Beaucoup croient que le rêve de la révolution nicaraguayenne s’est irrémédiablement brisé. Le régime autoritaire de Daniel Ortega affiche de nombreuses similitudes avec celui du dictateur Anastasio Somoza, qui a dirigé le Nicaragua entre 1967 et 1979 avant d’être renversé par la révolution sandiniste menée par Ortega. L’un comme l’autre ont exercé des pressions constantes et brutales sur les manifestations et les médias libres. Les voix critiques (de représentants politiques, de journalistes, de militants et d’avocats, par exemple) ont été soit réduites au silence, soit emprisonnées.

Quelque 170 prisonniers politiques sont détenus par le régime d’Ortega. Parmi eux, Félix Maradiaga, l’un des plus célèbres libéraux et militants des droits de l’homme du Nicaragua. Visé par des menaces du gouvernement du président Ortega depuis le début de la crise politique en avril 2018, il a été arrêté en juin 2021. Maradiaga a été accusé de trahison et d’atteinte à la souveraineté du pays. En mars 2022, il a été condamné à 13 ans d’emprisonnement. Son avocat, Roger Reyes, également membre du conseil politique du mouvement d’opposition Unidad Nacional Azul y Blanco, a été arrêté en août 2021. Roger Reyes a été condamné à dix ans d’emprisonnement pour atteinte à la souveraineté nationale.

La situation des prisonniers politiques au Nicaragua est déplorable. Leurs familles ne peuvent leur rendre visite que de manière occasionnelle, tous les 30 à 40 jours. Le gouvernement les maintient dans des cellules exiguës qui sont soit plongées dans l’obscurité totale, soit éclairées 24 heures sur 24. Ils ne sont autorisés à sortir que tous les 10 jours, pendant 10 à 15 minutes. Leur intégrité physique n’est pas respectée et ils ne reçoivent pas de soins médicaux appropriés, même lorsqu’ils présentent des symptômes évidents de maladie. Félix Maradiaga a par exemple actuellement une grave otite qui le fait beaucoup souffrir. Roger Reyes, pour sa part, souffre de pertes de mémoire, de dépression et d’anxiété. La torture psychologique causée par des interrogatoires interminables qui se poursuivent même une fois le jugement rendu est une pratique très répandue sous Ortega. Par ailleurs, les prisonniers n’ont pas accès aux avocats de leur choix. Au lieu d’une audience publique devant les tribunaux, le procès et les auditions, qui ont débuté en septembre 2021, se sont déroulés dans le secret dans l’enceinte de la prison. Félix Maradiaga n’a vu ses avocats, qui doivent garder l’anonymat pour des raisons de sécurité, qu’à deux reprises pendant les audiences du procès ayant conduit à sa condamnation. L’État nicaraguayen viole en permanence les conventions internationales par lesquelles il s’est engagé à respecter les droits de l’homme et l’État de droit.